La formation professionnelle représente un enjeu majeur pour les travailleurs intérimaires qui cherchent à sécuriser leur parcours professionnel dans un contexte d’emploi par nature temporaire. Le secteur de l’intérim, caractérisé par sa flexibilité, offre paradoxalement des opportunités substantielles en matière de développement des compétences. Avec plus d’un million de salariés intérimaires en France, l’accès à la formation constitue un levier fondamental pour renforcer l’employabilité et faciliter les transitions professionnelles. Les agences d’intérim jouent un rôle déterminant dans ce processus, en tant qu’intermédiaires entre les aspirations des travailleurs et les besoins du marché du travail. Ce sujet mérite une attention particulière tant les dispositifs spécifiques et les droits associés demeurent méconnus des principaux intéressés.
Le cadre juridique de la formation professionnelle en intérim
Le secteur de l’intérim dispose d’un cadre juridique spécifique en matière de formation professionnelle, adapté aux particularités de cette forme d’emploi. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a profondément modifié le paysage de la formation professionnelle, avec des impacts significatifs pour les travailleurs temporaires.
Le Code du travail prévoit des dispositions particulières pour les salariés intérimaires en matière de formation. L’article L.1251-57 stipule notamment que les entreprises de travail temporaire consacrent un pourcentage minimal de leur masse salariale au financement de la formation professionnelle. Ce taux, fixé à 1,5% de la masse salariale, est supérieur à celui applicable aux autres secteurs (1%), témoignant de l’attention portée par le législateur à la formation des intérimaires.
Les accords de branche dans le secteur de l’intérim viennent compléter ce dispositif légal. L’accord du 29 novembre 2019, signé par les partenaires sociaux de la branche du travail temporaire, renforce les droits à la formation des intérimaires. Il prévoit notamment des modalités particulières pour l’accès aux dispositifs de formation pendant et entre les missions.
Spécificités du statut d’intérimaire face à la formation
La particularité du statut d’intérimaire réside dans la discontinuité des périodes d’emploi. Cette caractéristique pose des défis spécifiques en matière d’accès à la formation professionnelle. Le législateur a prévu des adaptations pour tenir compte de cette réalité :
- La possibilité de suivre des formations entre deux missions
- L’accès à des formations pendant les missions, sous certaines conditions
- Des modalités de calcul spécifiques pour les droits acquis au titre du Compte Personnel de Formation (CPF)
- Des dispositifs dédiés comme le Contrat de Développement Professionnel Intérimaire (CDPI)
Le Fonds d’Assurance Formation du Travail Temporaire (FAF.TT), devenu AKTO depuis 2020, joue un rôle central dans la mise en œuvre de cette politique de formation. Cet opérateur de compétences (OPCO) collecte les contributions des entreprises de travail temporaire et finance les actions de formation destinées aux intérimaires.
La jurisprudence a progressivement clarifié les droits des intérimaires en matière de formation. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont confirmé que les entreprises de travail temporaire ont une obligation de formation professionnelle envers leurs salariés intérimaires, au même titre que tout employeur. Cette obligation s’étend à l’adaptation au poste de travail mais comprend la possibilité de développer des compétences plus larges pour favoriser le maintien dans l’emploi.
Ainsi, malgré la précarité apparente du statut d’intérimaire, le cadre juridique français a progressivement construit un système protecteur qui reconnaît l’accès à la formation comme un droit fondamental pour ces travailleurs.
Les dispositifs spécifiques accessibles aux intérimaires
Les travailleurs temporaires bénéficient d’un ensemble de dispositifs adaptés à leur statut particulier. Ces mécanismes visent à compenser la discontinuité de leur parcours professionnel et à renforcer leur employabilité sur le long terme.
Le Contrat de Développement Professionnel Intérimaire (CDPI)
Le CDPI constitue l’un des dispositifs phares pour les intérimaires. Il s’agit d’un contrat de formation professionnelle spécifique au secteur du travail temporaire. D’une durée comprise entre 35 heures et 1 200 heures, il permet aux intérimaires de développer leurs compétences entre deux missions.
Pour y accéder, le travailleur doit justifier d’une expérience minimale dans l’intérim : 450 heures de mission au cours des 18 derniers mois, dont 150 heures dans l’agence d’intérim qui propose le CDPI. Pendant la formation, l’intérimaire perçoit une rémunération équivalente à 100% du salaire de référence pour les formations de moins de 200 heures, et à 70% pour les formations plus longues.
Le CDPI présente plusieurs avantages :
- Une formation qualifiante ou certifiante
- Un maintien de rémunération pendant la période de formation
- Une prise en charge des frais pédagogiques par l’OPCO
- Un accompagnement personnalisé
Le Contrat d’Insertion Professionnelle Intérimaire (CIPI)
Le CIPI s’adresse principalement aux personnes éloignées de l’emploi ou en reconversion professionnelle. D’une durée de 210 à 420 heures, il combine périodes de formation et missions en entreprise. Ce dispositif vise à faciliter l’insertion ou la réinsertion professionnelle des publics fragiles.
Contrairement au CDPI, le CIPI ne nécessite pas d’expérience préalable dans l’intérim. Il représente donc une porte d’entrée vers le secteur pour des personnes sans qualification ou en situation de reconversion.
Le Compte Personnel de Formation (CPF) adapté aux intérimaires
Les intérimaires bénéficient du CPF comme tous les salariés, mais avec des modalités spécifiques. En raison de la discontinuité de leurs contrats, les règles d’alimentation du compte ont été adaptées pour éviter toute pénalisation.
Ainsi, les périodes de mission sont prises en compte pour le calcul des droits au CPF. De plus, les intérimaires peuvent mobiliser leur CPF entre deux missions, ce qui constitue un avantage considérable pour optimiser ces périodes d’inactivité contrainte.
L’AKTO propose des abondements spécifiques pour les intérimaires qui souhaitent utiliser leur CPF pour des formations qualifiantes dans des secteurs en tension, multipliant ainsi l’efficacité de ce dispositif.
La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) pour les intérimaires
La VAE représente une opportunité significative pour les travailleurs temporaires qui ont accumulé de l’expérience dans différents contextes professionnels. Ce dispositif leur permet de faire reconnaître officiellement leurs compétences par l’obtention d’une certification professionnelle.
Les agences d’intérim peuvent accompagner leurs salariés dans cette démarche, notamment à travers le congé VAE qui permet de s’absenter pour préparer et passer les épreuves de validation. Les frais associés à la VAE peuvent être pris en charge par l’OPCO de la branche.
Ces dispositifs spécifiques témoignent d’une volonté d’adapter le système de formation professionnelle aux réalités du travail temporaire, reconnaissant ainsi la contribution de ce secteur à l’économie française et la nécessité de sécuriser les parcours des intérimaires.
Le rôle des agences d’intérim dans l’accès à la formation
Les agences d’intérim occupent une position stratégique dans l’écosystème de la formation professionnelle des travailleurs temporaires. Elles assument plusieurs responsabilités qui déterminent largement l’effectivité du droit à la formation des intérimaires.
L’obligation d’information et de conseil
Les entreprises de travail temporaire ont une obligation légale d’informer leurs salariés sur leurs droits en matière de formation professionnelle. Cette obligation est inscrite dans le Code du travail et renforcée par les accords de branche.
Concrètement, les agences doivent organiser des entretiens professionnels avec leurs intérimaires réguliers pour faire le point sur leurs compétences et leurs aspirations d’évolution. Ces entretiens, obligatoires tous les deux ans, constituent un moment privilégié pour informer le salarié sur les dispositifs disponibles et construire un projet de formation adapté.
Au-delà de cette obligation formelle, de nombreuses agences d’intérim ont développé des outils numériques (applications, espaces personnalisés sur leurs sites web) pour faciliter l’accès à l’information sur la formation. Ces initiatives témoignent d’une prise de conscience croissante de l’importance de la formation comme facteur de fidélisation des intérimaires.
Le financement et l’ingénierie de formation
Les agences d’intérim contribuent au financement de la formation professionnelle à travers leurs cotisations à l’OPCO de la branche. Cette contribution obligatoire (1,5% de la masse salariale) est complétée, pour les plus grandes enseignes, par des investissements volontaires supplémentaires.
Certaines enseignes comme Adecco, Manpower ou Randstad ont créé leurs propres centres de formation pour répondre aux besoins spécifiques de leurs clients et de leurs intérimaires. Ces structures proposent des parcours de formation adaptés aux réalités du marché local et aux secteurs en tension.
L’ingénierie de formation constitue un autre domaine d’intervention des agences. Elles analysent les besoins en compétences des entreprises utilisatrices et conçoivent des programmes de formation sur mesure. Cette approche permet d’améliorer l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins du marché du travail.
L’accompagnement personnalisé des intérimaires
Les agences d’intérim les plus performantes ont développé des services d’accompagnement personnalisé pour aider leurs intérimaires à définir et mettre en œuvre leur projet professionnel. Des conseillers en évolution professionnelle internes peuvent ainsi aider à :
- Identifier les compétences acquises et celles à développer
- Sélectionner les formations pertinentes au regard du projet professionnel
- Monter les dossiers de financement
- Assurer un suivi pendant et après la formation
Cet accompagnement s’avère particulièrement précieux pour des travailleurs qui, en raison de la nature discontinue de leur activité, peuvent éprouver des difficultés à se projeter dans un parcours de formation structuré.
Le groupe Proman, par exemple, a mis en place un programme appelé « Trajectoires » qui permet aux intérimaires de bénéficier d’un accompagnement personnalisé sur plusieurs mois, combinant formation et missions adaptées pour faciliter une évolution professionnelle cohérente.
Ces différentes initiatives montrent que les agences d’intérim ne se limitent plus à un rôle de simple intermédiaire sur le marché du travail. Elles deviennent progressivement des acteurs à part entière du développement des compétences, contribuant ainsi à la sécurisation des parcours professionnels de leurs intérimaires.
Les obstacles persistants et les inégalités d’accès
Malgré un cadre juridique favorable et des dispositifs spécifiques, l’accès à la formation professionnelle des intérimaires se heurte encore à plusieurs obstacles structurels. Ces difficultés génèrent des inégalités significatives entre les différentes catégories de travailleurs temporaires.
La discontinuité des missions et son impact
La nature même du travail intérimaire, caractérisée par des missions de courte durée entrecoupées de périodes d’inactivité, constitue un frein objectif à l’engagement dans des parcours de formation longs. Cette discontinuité affecte la motivation des intérimaires qui peuvent hésiter à refuser une mission pour suivre une formation, par crainte de perdre des opportunités d’emploi futures.
Les statistiques du FAF.TT révèlent que seulement 12% des intérimaires bénéficient d’une action de formation chaque année, contre 45% pour l’ensemble des salariés. Cet écart témoigne des difficultés particulières rencontrées par cette population.
La précarité financière associée aux périodes sans mission peut dissuader les intérimaires de s’engager dans des formations, même lorsque celles-ci sont rémunérées. Le manque de visibilité sur les revenus futurs génère une forme d’insécurité peu compatible avec un investissement dans la formation.
Les inégalités entre profils d’intérimaires
L’accès à la formation révèle d’importantes disparités entre les différentes catégories d’intérimaires :
- Les intérimaires qualifiés accèdent plus facilement à la formation que les non-qualifiés
- Les intérimaires réguliers (cumulant un volume important d’heures) bénéficient davantage des dispositifs que les occasionnels
- Les jeunes intérimaires sont plus souvent formés que leurs aînés
- Des disparités territoriales existent selon la densité du tissu économique local
Ces inégalités sont particulièrement préoccupantes car elles tendent à renforcer les écarts préexistants sur le marché du travail. Les intérimaires déjà fragilisés (peu qualifiés, seniors, dans des zones économiquement déprimées) se trouvent davantage exclus des opportunités de formation, ce qui limite leurs perspectives d’évolution professionnelle.
Le manque d’information et la complexité des dispositifs
La multiplicité des dispositifs et leur complexité administrative constituent un obstacle majeur pour de nombreux intérimaires. Une enquête menée par l’Observatoire des Métiers et de l’Emploi révèle que 65% des travailleurs temporaires déclarent ne pas connaître précisément leurs droits en matière de formation professionnelle.
Cette méconnaissance s’explique par plusieurs facteurs :
La faible fréquence des contacts avec l’agence d’intérim en dehors des missions limite les opportunités d’information. La complexité intrinsèque des dispositifs de formation professionnelle, renforcée par des réformes successives, rend difficile leur appropriation par les intérimaires. Le manque de temps et de ressources des petites agences d’intérim pour assurer pleinement leur mission d’information et de conseil.
Les contraintes organisationnelles des agences
Les agences d’intérim font face à des contraintes organisationnelles qui peuvent limiter leur capacité à promouvoir efficacement la formation professionnelle :
La pression commerciale pousse à privilégier le placement immédiat plutôt que l’investissement à long terme dans la formation. Le turnover des conseillers en intérim nuit à la continuité de l’accompagnement des intérimaires. La gestion administrative des dispositifs de formation mobilise des ressources importantes, au détriment du temps consacré au conseil.
Ces différents obstacles expliquent en grande partie le décalage entre les droits théoriques des intérimaires en matière de formation et leur concrétisation effective. Ils appellent des réponses adaptées tant de la part des pouvoirs publics que des acteurs de la branche pour garantir une plus grande équité dans l’accès à la formation professionnelle.
Stratégies et bonnes pratiques pour optimiser l’accès à la formation
Face aux obstacles identifiés, diverses stratégies et bonnes pratiques émergent pour améliorer l’accès des intérimaires à la formation professionnelle. Ces approches innovantes impliquent l’ensemble des parties prenantes : agences d’intérim, intérimaires eux-mêmes, entreprises utilisatrices et acteurs publics.
L’anticipation des besoins et la construction de parcours
L’anticipation des besoins en compétences constitue un facteur clé de réussite pour les politiques de formation dans l’intérim. Les agences les plus performantes développent des outils de veille et d’analyse prospective pour identifier les métiers en tension et les compétences émergentes.
Cette démarche d’anticipation permet de construire des parcours de formation adaptés aux évolutions du marché du travail. Par exemple, le groupe Randstad a mis en place un programme appelé « Horizons » qui propose aux intérimaires des parcours de formation vers des métiers à fort potentiel d’emploi, identifiés grâce à l’analyse des données du marché local.
La construction de parcours professionnalisants, alternant périodes de formation et missions complémentaires, représente une approche particulièrement efficace. Cette méthode permet aux intérimaires de mettre immédiatement en pratique les compétences acquises et de valoriser leur progression auprès des entreprises utilisatrices.
La digitalisation de la formation et ses opportunités
La digitalisation de la formation offre des opportunités considérables pour surmonter certains obstacles liés à la discontinuité du travail intérimaire. Les modules d’e-learning, les classes virtuelles ou les applications mobiles de formation permettent aux intérimaires de se former à leur rythme, entre deux missions ou pendant des périodes d’activité réduite.
Plusieurs enseignes d’intérim ont développé des plateformes numériques dédiées à la formation de leurs intérimaires. Manpower, par exemple, propose « MyPath », une plateforme qui combine évaluation des compétences, formation en ligne et suivi personnalisé. Ces outils numériques présentent l’avantage de s’adapter aux contraintes spécifiques des intérimaires en termes de disponibilité et de mobilité.
La formation en situation de travail (FEST), reconnue officiellement depuis la réforme de 2018, constitue également une modalité particulièrement adaptée au contexte de l’intérim. Elle permet d’intégrer les temps d’apprentissage directement dans les missions, sous la supervision d’un tuteur désigné dans l’entreprise utilisatrice.
Le développement de partenariats stratégiques
Les partenariats stratégiques entre les différents acteurs de l’écosystème représentent un levier majeur pour améliorer l’accès des intérimaires à la formation. Ces collaborations peuvent prendre diverses formes :
- Partenariats entre agences d’intérim et organismes de formation pour développer des programmes adaptés aux besoins spécifiques des intérimaires
- Collaborations avec les entreprises utilisatrices pour anticiper leurs besoins en compétences et co-construire des parcours de formation
- Coopérations avec les acteurs publics de l’emploi (Pôle Emploi, Missions Locales) pour toucher les publics les plus éloignés de la formation
- Initiatives conjointes avec les branches professionnelles pour mutualiser les ressources et optimiser l’offre de formation
Le programme « HOPE » (Hébergement, Orientation, Parcours vers l’Emploi), porté par le FAF.TT en partenariat avec l’OFII et plusieurs grandes enseignes d’intérim, illustre le potentiel de ces approches collaboratives. Ce dispositif permet à des réfugiés d’accéder à des parcours intégrés combinant formation linguistique, formation professionnelle et missions d’intérim dans des secteurs en tension.
L’autonomisation et la responsabilisation des intérimaires
L’autonomisation des intérimaires dans la gestion de leur parcours de formation constitue un enjeu fondamental. Plusieurs initiatives visent à renforcer cette capacité d’agir :
Des ateliers de sensibilisation à l’importance de la formation tout au long de la vie et aux opportunités offertes par le secteur de l’intérim. Des outils d’auto-évaluation des compétences permettant aux intérimaires d’identifier leurs forces et axes de progression. Des dispositifs d’accompagnement renforcé pour les intérimaires les plus éloignés de la formation.
L’association FAFTT-Actions a développé le programme « Atouts Compétences » qui propose aux intérimaires un parcours complet d’autonomisation : bilan de compétences, définition d’un projet professionnel, accompagnement dans la mobilisation des dispositifs de formation appropriés.
Ces différentes stratégies témoignent d’une prise de conscience croissante de l’importance de la formation professionnelle comme facteur de sécurisation des parcours dans l’intérim. Elles contribuent progressivement à transformer ce secteur, traditionnellement associé à la précarité, en un véritable tremplin vers l’emploi durable grâce à l’acquisition continue de compétences.
Perspectives d’évolution et innovations dans la formation des intérimaires
L’avenir de la formation professionnelle dans le secteur de l’intérim se dessine à travers plusieurs tendances fortes et innovations prometteuses. Ces évolutions pourraient transformer profondément l’accès des travailleurs temporaires au développement des compétences dans les années à venir.
L’impact des mutations du marché du travail
Les transformations profondes du marché du travail, accélérées par la crise sanitaire et les transitions écologique et numérique, redéfinissent les besoins en formation des intérimaires. Plusieurs phénomènes majeurs sont à l’œuvre :
L’automatisation et la digitalisation des processus industriels qui nécessitent une montée en compétences techniques des intérimaires, y compris dans des secteurs traditionnellement peu qualifiés. L’émergence de nouveaux métiers liés à la transition écologique (rénovation énergétique, économie circulaire, mobilité durable) qui ouvre des opportunités pour les intérimaires formés à ces nouvelles compétences. La tertiarisation de l’économie qui modifie la structure de la demande de travail temporaire, avec une part croissante des missions dans les services.
Face à ces mutations, les agences d’intérim développent des stratégies d’anticipation plus sophistiquées. L’intelligence artificielle et l’analyse prédictive des données du marché du travail permettent d’identifier les compétences émergentes et de construire des parcours de formation adaptés aux évolutions futures.
Les innovations pédagogiques et technologiques
Le champ de la formation professionnelle connaît une véritable révolution pédagogique et technologique qui bénéficie aux intérimaires. Parmi les innovations les plus prometteuses :
La réalité virtuelle et la réalité augmentée qui permettent de simuler des environnements de travail complexes et de former les intérimaires à des gestes techniques sans risque. Ces technologies sont particulièrement pertinentes pour des secteurs comme l’industrie, la logistique ou le BTP qui emploient de nombreux intérimaires.
Les micro-certifications ou « badges numériques » qui attestent de compétences précises et permettent de valoriser des parcours de formation fragmentés, particulièrement adaptés au rythme discontinu de l’intérim. Ces certifications de courte durée répondent au besoin d’agilité des intérimaires qui peuvent ainsi construire progressivement leur portefeuille de compétences.
L’apprentissage adaptatif, basé sur des algorithmes qui personnalisent le parcours de formation en fonction des acquis et du rythme d’apprentissage de chaque intérimaire. Cette approche optimise le temps de formation, ressource particulièrement précieuse pour les travailleurs temporaires.
Ces innovations technologiques sont complétées par des approches pédagogiques renouvelées, comme l’apprentissage par problème ou les formations en mode projet, qui favorisent l’acquisition de compétences transversales particulièrement valorisées sur le marché du travail.
Vers un nouveau modèle économique de la formation en intérim
Le modèle économique de la formation dans l’intérim connaît des évolutions significatives qui pourraient faciliter l’accès des travailleurs temporaires au développement des compétences.
L’émergence du concept de « flex-sécurité à la française » vise à combiner la flexibilité inhérente à l’intérim avec une sécurisation accrue des parcours professionnels. Dans cette perspective, la formation constitue un pilier central, permettant aux intérimaires de maintenir et développer leur employabilité malgré la discontinuité de leur activité.
Plusieurs expérimentations témoignent de cette évolution :
- Des groupements d’employeurs intégrant des agences d’intérim pour mutualiser les ressources de formation
- Des fonds d’investissement social finançant des formations longues pour les intérimaires avec un retour sur investissement calculé sur l’amélioration de leur employabilité
- Des contrats de professionnalisation adaptés à l’intérim, permettant d’alterner formation théorique et missions pratiques chez différents clients
Le développement de l’intérim de carrière, choisi par des professionnels qualifiés pour la diversité des expériences qu’il offre, renforce cette tendance. Pour ces « intérimaires par choix« , la formation continue représente un moyen d’enrichir constamment leur portefeuille de compétences et de maintenir leur attractivité sur le marché.
Les évolutions réglementaires attendues
Le cadre réglementaire de la formation professionnelle continue d’évoluer, avec plusieurs pistes de réforme qui pourraient impacter favorablement les intérimaires.
La réflexion sur un « compte personnel d’activité » renforcé, regroupant l’ensemble des droits sociaux (dont la formation) et tenant mieux compte des parcours discontinus, pourrait particulièrement bénéficier aux travailleurs temporaires.
Des discussions sont en cours au niveau de la branche du travail temporaire pour adapter les dispositifs existants aux nouvelles réalités du marché. Les partenaires sociaux envisagent notamment :
Un assouplissement des conditions d’accès au CDPI pour les intérimaires ayant cumulé moins d’heures. Une meilleure articulation entre les périodes de formation et les missions, avec des mécanismes incitatifs pour les entreprises utilisatrices. Des dispositifs spécifiques pour les intérimaires seniors, particulièrement vulnérables aux mutations du marché du travail.
Ces perspectives d’évolution dessinent un avenir où la formation professionnelle serait pleinement intégrée au parcours des intérimaires, non plus comme une parenthèse exceptionnelle, mais comme une composante régulière de leur activité professionnelle. Cette transformation profonde du rapport à la formation dans l’intérim pourrait contribuer significativement à la revalorisation de ce statut et à sa reconnaissance comme une forme d’emploi à part entière, offrant de véritables opportunités de développement professionnel.
L’accès à la formation professionnelle des intérimaires se trouve ainsi au carrefour des grandes mutations du travail contemporain, entre flexibilité accrue et besoin de sécurisation des parcours, entre individualisation des besoins et nécessité de réponses collectives, entre digitalisation des processus et maintien d’un accompagnement humain personnalisé.
